Dans Bergeron et Montréal (Ville de), le Tribunal administratif du travail (TAT) a conclu que, en vertu des dispositions de la Loi sur les cités et villes et de la Charte de la Ville de Montréal, le comité exécutif de la ville-centre n'avait pas le pouvoir de congédier la directrice générale d'un arrondissement. Il a déclaré que les deux résolutions de destitution étaient invalides.
Cette affaire a pris naissance à l’été 2015 lorsque le syndicat représentant les fonctionnaires municipaux de la Ville de Montréal a dénoncé le comportement inapproprié de la directrice par intérim de l’arrondissement de l’Île-Bizard-Sainte-Geneviève à l’endroit de ses membres. Des enquêtes externes commandées séparément par la ville-centre et par l’arrondissement ont abouti à des conclusions opposées. Ainsi, la ville-centre a déterminé que la directrice avait commis des manquements justifiant son congédiement alors que l’arrondissement a conclu à l’absence de faute de la part de cette dernière. Devant le refus de l’arrondissement de mettre fin à l’emploi de la directrice, le comité exécutif de la ville-centre a adopté deux résolutions de destitution (26 août et 27 octobre 2015).
La directrice a déposé une plainte en vertu des articles 71 et ss. de la loi. Elle a présenté un moyen préliminaire invoquant la nullité de ces mesures. Le juge administratif a fait droit au moyen préliminaire et a accueilli le recours de la directrice.
Il a conclu que le premier congédiement était invalide, car il n’avait pas été décidé par l’instance appropriée, à savoir le conseil d’arrondissement.
Le second congédiement a été imposé le lendemain de l’adoption par la ville-centre d’une résolution qui déclare le conseil municipal compétent, pour une période de deux ans, quant à la suspension et à la destitution des directeurs d’arrondissement. Or, malgré l’exercice légitime du droit prévu à l’article 85.5 de la charte, le TAT a estimé que l’appropriation par le conseil de la ville-centre de pouvoirs dévolus aux arrondissements ne donnait pas compétence à son comité exécutif à la place du premier. Il a conclu que seul le conseil avait le pouvoir de destituer une directrice d’arrondissement. Ainsi, le TAT a déterminé que le deuxième congédiement était également invalide parce qu’il n’avait pas été décidé par l’instance appropriée.
Cette décision du TAT a été confirmée le 2 mai 2017 par la Cour supérieure. Selon le juge Yergeau, la norme de contrôle judiciaire applicable est celle de la décision raisonnable puisque la question en litige – qui consiste à décider d’une plainte reliée à la destitution d’une employée municipale – se situe au cœur de la compétence du TAT. Il conclut que la décision attaquée possède tous les attributs de la raisonnabilité, selon les enseignements de la Cour suprême dans Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick.
Le juge Yergeau estime que, en décidant comme il l’a fait, le TAT s’est fondé sur les textes législatifs que sa loi habilitante l’autorise à appliquer et à interpréter. Il écrit que sa conclusion «fait sans l’ombre d’un doute partie de la fourchette des issues possibles» sur le plan juridique (paragr. 90). Il ajoute que la Cour supérieure ne peut y substituer une conclusion qui lui paraîtrait préférable tant sur le premier que sur le second congédiement.
La décision ayant conclu à l’annulation des résolutions de destitution et ordonné la réintégration de la directrice est donc confirmée.
Références
- Bergeron et Montréal (Ville de), (T.A.T., 2016-02-26), 2016 QCTAT 1124, SOQUIJ AZ-51258122, 2016EXP-912, 2016EXPT-517, D.T.E. 2016T-195.
- Ville de Montréal c. Tribunal administratif du travail (C.S., 2017-05-02), 2017 QCCS 1709, SOQUIJ AZ-51388002.
- Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick (C.S. Can., 2008-03-07), 2008 CSC 9, SOQUIJ AZ-50478101, J.E. 2008-547, D.T.E. 2008T-223, [2008] 1 R.C.S. 190.
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