En mai dernier, j’ai rédigé un billet qui traitait des décisions rendues en droit municipal depuis le début de l’année. Pour faire un survol complet des décisions les plus intéressantes qui ont été rendues par les tribunaux judiciaires et spécialisés en 2022, voici celles qui ont retenues mon attention dans les derniers mois.

Règlement

Le juge Dorais, de la cour municipale, a estimé que les moyens mis de l’avant par la Ville de Mercier pour informer les citoyens de l’interdiction de garer leur véhicule dans la rue la nuit durant la période hivernale — soit en diffusant cette information par messagerie texte, sur son site Internet et sur sa page Facebook ainsi qu’en enregistrant un message disponible pour écoute par l’intermédiaire d’une ligne téléphonique dédiée dont le numéro figure sur des panneaux aux entrées de la ville — sont insuffisants.

Le juge a aussi conclu que l’article 33 du règlement 94-604 relatif à la circulation et à la sécurité publique ne peut décréter que le simple fait d’omettre de vérifier à l’aide de moyens technologiques imposés par la Ville si une opération de déneigement est en cours est générateur de responsabilité pénale.

Dans l’affaire Organisation de la jeunesse Chabad Loubavitch c. Ville de Mont-Tremblant, la Cour d’appel a conclu le règlement (2008)-102 concernant le zonage entrave de façon plus que négligeable la liberté de religion de l’appelante et de ses fidèles, qui sont de confession juive orthodoxe, mais cette restriction est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique. Le choix des membres de cette organisation de participer à des activités à la station touristique de Mont-Tremblant est un choix personnel et n’est pas protégé par la liberté de religion, laquelle ne crée pas un droit d’accès à la villégiature.

En novembre dernier, le juge Bienvenu a estimé que le règlement 1153 sur l’utilisation des armes de la Ville de Mascouche, qui a pour effet de prohiber l’utilisation d’armes en tous lieux sur son territoire, est déraisonnable et ne peut coexister avec la législation en vigueur relativement à la chasse et au transport des armes à feu.

Enfin, la semaine dernière, la Cour d’appel a déterminé que la compétence de la Ville de Montréal pour adopter le règlement prohibant le transport de personnes au moyen d’une calèche sur son territoire découle du pouvoir que le législateur lui a expressément accordé, au paragraphe 1 de l’article 6 de la Loi sur les compétences municipales, de prévoir «toute prohibition», «dans l’exercice [du] pouvoir réglementaire prévu [au paragraphe 2 de l’article 10]», de «régir les activités économiques» sur son territoire.

Responsabilité

Le 1er juin, la Cour du Québec, Division des petites créances, a conclu que la responsabilité extracontractuelle de la Ville de Longueuil était engagée en raison des dommages aux haies de cèdres de 2 citoyens ayant été causés par des cerfs de Virginie vivant au Parc Michel-Chartrand, dont elle est propriétaire. La juge Drouin a souligné que, lorsque les dommages à la propriété de citoyens sont causés par la faune, il ne s’agit pas d’un dérangement découlant de l’usage ou de l’exercice du droit de propriété de la Ville, ce qui permettrait d’appliquer le concept de la responsabilité sans faute prévu à l’article 976 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Il faut plutôt se tourner vers le régime général de la responsabilité civile ou de la responsabilité extracontractuelle (art. 1457 C.C.Q.), lequel s’applique à la Ville en tant que personne morale de droit public (art. 1376 C.C.Q.). Cette dernière a alors été condamnée à payer 19 872 $ aux demandeurs.

 Le 2 juin, la Cour d’appel a confirmé que le fait d’acheter un terrain dans l’espoir que le règlement de zonage soit modifié ne permet pas d’obtenir une indemnité pour expropriation déguisée lorsque cet espoir ne se concrétise pas.

Dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Ducas) c. Ville de Repentigny (Service de police de la Ville de Repentigny), un homme a fait l’objet d’une interpellation aléatoire de la part de 2 policières parce qu’il était noir et qu’il conduisait un véhicule de luxe. Par contre, les événements subséquents, c’est-à-dire l’arrestation, le menottage et la fouille, ne représentaient pas un traitement différencié des policières envers la victime, qui refusait de collaborer. Il s’agit d’une pratique usuelle dans ce type de circonstances. La victime a eu droit à 8 000 $ à titre de dommages moraux.

Le 4 octobre, dans Service Sauvetage Animal c. Ville de Longueuil, les demandeurs ont échoué à obtenir une ordonnance de sauvegarde visant à surseoir à l’application de la décision de la Ville de Longueuil de procéder à une chasse à l’arbalète contrôlée afin de gérer le cheptel de cerfs de Virginie présent au parc Michel-Chartrand. Quelques jours plus tard, la Cour d’appel a accordé la permission d’interjeter appel de ce jugement et a accueilli la demande de sursis pendant l’appel afin que celui-ci devienne théorique.

Cette semaine, la Cour supérieure a estimé que, lors de la soirée électorale du 4 septembre 2012, la Sûreté du Québec (SQ) et le Service de police de la Ville de Montréal avaient commis une faute d’omission en n’assurant pas une présence policière et un périmètre de sécurité à l’arrière du Métropolis. La SQ et la Ville de Montréal ont été condamnées solidairement à payer plus de 290 000 $ à 4 techniciens de scène qui ont survécu à une attaque armée sur leur personne.

Territoire

Le 22 août, la Cour d’appel a conclu que la résolution adoptée par le conseil d’agglomération de la Ville de Longueuil, aux termes de laquelle il délègue au conseil ordinaire de celle-ci l’exercice de la compétence d’agglomération concernant les ressources humaines, financières et matérielles nécessaires au bon fonctionnement des services mixtes de l’agglomération, est frappée de nullité absolue, car la Ville a agi en l’absence de compétence. La Cour a toutefois refusé d’annuler 43 résolutions adoptées en vertu de la délégation décrétée par cette résolution puisque toutes ont des effets immédiats sur des tiers qui n’ont pas été dûment appelés à titre de parties au litige.

Contrat

En octobre dernier, la Cour d’appel a déclaré que toute démarche volontaire et occulte qui aurait pour objectif de contourner les règles strictes d’adjudication de contrats prévues aux articles 573 et ss. de la Loi sur les cités et villes peut être qualifiée de «manoeuvre dolosive» au sens de la Loi visant principalement la récupération de sommes payées injustement à la suite de fraudes ou de manoeuvres dolosives dans le cadre de contrats publics. Dans cette affaire, la Ville de Laval a démontré que des fonctionnaires avaient manipulé les conditions d’un appel d’offres afin que l’intimée obtienne un contrat. Suivant l’article 11 de loi, la Ville a eu droit à 20 % de la somme totale qu’elle a payée, tant pour le contrat initial que pour ses renouvellements, ce qui représente 142 520 $.

En 2023, restez à l’affût puisque certaines décisions citées dans ce billet ont été contestées.  

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