Selon la jurisprudence, l’interruption ou l’impossibilité d’assigner temporairement un travailleur en raison d’une grossesse ou d’un congé parental peut constituer une injustice pour l’employeur. En effet, de nombreuses décisions reconnaissent que ces situations relèvent d’une condition personnelle et sont donc étrangères aux risques inhérents à une entreprise.
Une décision récente a toutefois retenu mon attention puisque le décideur estime que l’évolution jurisprudentielle commande une nouvelle analyse de cette situation. Analysons cette décision.
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Dans ce dossier, un transfert d’imputation a été accordé à l’employeur, en vertu du second alinéa de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP), en raison de la grossesse de la travailleuse. L’employeur a cependant contesté cette décision, alléguant avoir droit à un transfert supplémentaire en raison du congé de maternité de la travailleuse, période durant laquelle il n’a pas pu l’assigner temporairement.
Selon le Tribunal, toute circonstance qui ne s’inscrit pas dans le processus d’indemnisation de la lésion professionnelle peut être considérée comme une situation d’injustice. Toutefois, certains incidents extrinsèques au régime d’indemnisation ne peuvent être qualifiés à ce titre étant donné qu’ils relèvent de l’application d’une loi d’ordre public ou du cadre normatif régissant les relations du travail.
Le Tribunal affirme qu’il serait paradoxal de considérer que l’exercice d’un droit prévu à une loi d’ordre public constitue une injustice. En effet, dès l’instant où un employeur s’engage dans le déploiement d’une activité pour laquelle il établit un rapport de direction et de contrôle avec des travailleurs, celui-ci accepte qu’un cadre normatif, que ce soit une convention collective ou l’ensemble des lois du travail, vienne réguler cette relation.
Certes, cet encadrement et l’exercice des droits et obligations qui en découlent ne font pas partie du risque assurable au sens de la loi, mais ils sont liés à la relation employeur-travailleur. Ainsi, les aléas du marché du travail, qu’ils découlent d’un geste unilatéral du travailleur ou de l’exercice des droits de direction, constituent un risque lié à la gestion des ressources humaines, une composante essentielle des activités de l’employeur. Dans ce contexte, ils ne peuvent être assimilés à une situation d’injustice.
Par conséquent, bien que le congé de maternité ou parental de la travailleuse l’ait empêchée d’être assignée temporairement, il ne peut constituer une injustice pour l’employeur, celui-ci s’inscrivant dans le cadre normatif des relations du travail et dans les risques liés à la gestion des ressources humaines. La demande de l’employeur a donc été rejetée.
Il est intéressant de noter que la présente analyse ne soulève pas le fait que, n’eût été la lésion professionnelle, la travailleuse aurait, pendant son congé, reçu des prestations du régime d’assurance parentale et non une indemnité de remplacement de revenu. Or, à la même période, un autre décideur a accueilli une demande de transfert d’imputation similaire sous ce motif, reconnaissant alors un caractère inusité à cette situation.
Cette dualité chez les décideurs me fait penser aux 2 courants jurisprudentiels qui s’opposent au sein du Tribunal lorsqu’il est question d’une interruption d’une assignation temporaire en raison d’un congédiement, d'une retraite ou d'une démission, soit des événements faisant également partie des aléas du marché du travail. Il sera intéressant de lire les prochaines décisions du Tribunal administratif du travail à cet égard.
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